Rituels ancestraux

Cette capacité à capter l'essence de sa propre existence c'est ce qui différencie John Coltrane de tout autre artiste. S'approcher au plus près d'une spiritualité trop grande pour être touchée et mélanger les consciences (celle de ses musiciens entre eux et celle de l’auditeur avec la sienne), cela lui a permis de construire son free jazz.
Juste après l’extrait d’un poème hindou, la musique est brute, sans détour : il va falloir attendre un solo pour plus de ménagement. Mais très vite la mélodie se délie et les sonorités sont, plus que dissonantes, cassantes, autant harmoniquement que rythmiquement. En un seul morceau de moins de 30 minutes (que certains disent enregistré sous LSD), Coltrane a même réussi à choquer ses propres admirateurs, sûrement car, cette fois, trop incongru ou déplacé (le chant n’est pas juste) il faisait amateur. Au contraire, après plus de 20 ans de musique et d’exploration, le saxophoniste avait trouvé une intégrité presque juvénile : jouant sans détour quelque chose d’essentiel, il s’éloigne d’une religion unique et se dépossède de toute préconception technique ou virtuose. Au final, avec le même procédé que l’art des premiers temps, des milliers d’années d’a priori esthétiques l’en séparant, il en est (re)venu à ce qui est primordial, inscrit dans une pensée musicale sauvage et unique.