Pharoah Sanders – Love In Us All (1974)


Et voici venir le dernier album de Pharoah pour « Impulse », le mariage entre les deux a bien fonctionné, tant pour l’artiste que pour le label, ce dernier est cependant en mauvaise santé et sa fin est proche, malgré les heures glorieuses et les chefs d’œuvres, il y aura bien encore quelques belles pages, avec Keith Jarrett, Gato Barbieri et les rééditions du catalogue pour tenir jusqu’à la fin de cette décennie, mais l’essentiel est déjà dit et la page ne va pas tarder à se tourner…


Cet ultime album est peu bavard, très peu de renseignements sur cette très belle pochette, des photos issues de planches-contacts avec le seul Pharoah pour illustrer l’intérieur, pas de nom de musiciens, ni d’accompagnateurs, juste l’année, 1974, les titres, un par face, comme on aime avec Pharoah.


« Love is Everywhere » se pose sur la face A et « To John » pour la face B. Le premier titre est issu des sessions de l’album « Wisdom Through Music », il suffit de s’y rapporter pour retrouver le nom des musiciens. Cet album faisait figure de disque un peu pâlot, et voilà que nous découvrons qu’il ne contenait qu’un extrait de ce « Love Is Everywhere » qui, ici, dans son intégralité prend une nouvelle envergure, avec une grande force et une belle puissance, pleine d’optimisme.


Seule la partie chantée avait été présentés sur « Wisdom », le développement qui suit est une vraie réussite et redonne une nouvelle dimension à cette pièce. Il n’est que de poser l’œil sur le vinyle pour distinguer la césure entre la partie ancienne et la partie nouvelle, les teinte de gris sur la face se changent en une couleur noire et brillante pour la partie nouvelle.


Les développements instrumentaux sont joyeux et festifs, cet hymne à l’amour s’envole brillamment, grâce à Cecil McBee et surtout au joueur de piano Joe Bonner qui se pose sur le tapis des percussions de Babadal Roy, James Mtume, Lawrence Killian et Norman Connors pour développer un superbe solo qui retrouve une belle sérénité. Pharoah se greffe avec son soprano sur ces rythmes réguliers et s’inscrit dans cette quête de paix intérieure dans laquelle il inscrit le plus souvent sa musique désormais.


La seconde pièce sur la face B « To John » que l’on identifie naturellement comme étant un hommage à John Coltrane, est très différente. Les deux hommes ont beaucoup échangé ensemble et on devine aisément l’ascendance naturelle de Coltrane pour celui qu’il considère comme un prolongement de lui-même, ou plutôt de son art, musical et spirituel.


Ce poids serait trop lourd pour quiconque, et beaucoup s’autoriseront à donner leurs avis, souvent acerbes et non autorisés sur ce que deviendra l’héritage transmis à Pharoah, en oubliant que les destinataires sont, tout autant, ce qui touche à l’universel et aux générations futures.


La pièce est tendue, très, comme un retour en arrière, qui est ce trompettiste qui joue et succède à Pharoah ? Est-ce Marvin Peterson qui joua à ses côtés ? Ce qui daterait la pièce de deux années en retrait. Il est difficile de savoir, mais ce free jazz impétueux est un véritablement bouleversement ici, comme si les sixties refaisaient surface et imposaient avec force les thèmes de la recherche Coltranienne.


En fouillant un peu en arrière on se souvient de la face une de « Live In The East » avec le titre « Healing Song » et son passage free qui pourrait avoir suivi une autre route, ce qui pourrait expliquer ce mystère. Quoiqu’il en soit la page est belle et ne saurait être plus adéquate pour exprimer cet attachement sincère.


J’aime vraiment beaucoup cet album qui conclut brillamment un épisode marquant de la vie du jazz, au travers d’Impulse, le label qui restera pour beaucoup aussi important que « Blue Note » dans l’histoire de notre musique.

xeres
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le 16 nov. 2022

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