Je l'ai mentionné dans au moins une autre de mes chroniques consacrées à Vangelis : j'ai vu finalement très peu de films mis en musique par le compositeur grec. Soit parce qu'ils ne m'intéressent pas plus que cela, soit parce que j'ai toujours approché les compositions de Vangelis pour elles-mêmes, et que la plupart d'entre elles, même écrites pour l'écran, tiennent debout sans avoir besoin des images.


Il existe un dernier cas de figure : celui du film introuvable. C'est le cas de celui qui nous occupe ici, œuvre de fiction du documentariste François Reichenbach qui connut pourtant l'honneur d'être en sélection officielle au Festival de Cannes en 1975. J'ignore quel fut l'accueil du film alors, toujours est-il que le distributeur n'a jamais donné suite en France et que le long métrage n'est jamais sorti sur nos écrans.

A priori, ce n'est pas non plus un film maudit. Quelques recherches m'ont permis de constater qu'il avait l'objet d'une projection à la Cinémathèque en 2015. Je ne suis guère allé plus loin, peut-être est-il possible d'en trouver davantage en creusant un peu plus.


Le plus intéressant, c'est que, lorsqu'on fait une recherche sur Internet, on tombe assez vite sur la B.O. de Vangelis, qui semble rester la trace la plus tangible de cette aventure cinématographique. Et dont l'étrangeté suggère que le film devait, lui aussi, être assez expérimental.

Sur galette, la bande originale est composée de deux grands mouvements d'une vingtaine de minutes chacun, en réalité un collage de plusieurs thèmes et sous-mouvements juxtaposés pour former deux ensembles plus ou moins cohérents, correspondant chaque face d'un vinyle.

La première partie s'ouvre ainsi sur une très belle mélodie, délicate, tendre et enfantine ; qui s'étire néanmoins, déclinée, réarrangée, plus ou moins revisitée, tout au long de ce mouvement qui, bien que joli, donne un peu l'impression de tourner en rond..


La rupture avec la deuxième partie est d'autant plus violente, puisque celle-ci démarre par un morceau rapide, emmené par une basse à la "Pulstar" (en moins rapide) et entourloupé de tout un tas de mélodies qui s'entremêlent dans un joyeux foutoir annonçant les morceaux les plus déjantés du futur Albedo 0.39. Surprenant mais, en soi, pas mal du tout.

La suite étonne et déroute d'autant plus, puisque Vangelis nous balance sans prévenir dans un univers bruitiste, préfiguration de l'écriture ultra-contemporaine d'un Invisible Connections... qui ne sortira que dix ans plus tard. Percussions qui s'entrechoquent, sonorités bizarres, dissonances, tout est fait pour faire sursauter l'auditeur et le perdre dans un labyrinthe à mille lieues de la douce poésie du premier mouvement. Vangelis rétablit ensuite un peu de cohérence, en déroulant des nappes ambiantes, toujours plus ou moins dissonantes, pour conduire vers un final mélodique qui ressemble à une variation du premier thème, en mode mineur donc plus triste.


Ce deuxième mouvement, si j'en crois certaines chroniques lues ici ou là, exaspère les fans du compositeur et les font dénigrer ce disque. Pour ma part, bizarrement, je ne déteste pas, alors je ne crois pas avoir jamais écouté Invisible Connections de bout en bout. C'est déroutant, oui, pas forcément joli à entendre, mais cela reste intéressant. Et, dans l'ensemble du disque, je trouve que cela fonctionne plutôt pas mal.

Pas le disque le plus facile ni le plus solide de Vangelis, mais un passage souhaitable pour tous ceux qui souhaitent explorer les nombreuses facettes de son talent, y compris lorsqu'il se risque loin de ses zones de confort (ce qu'il a cessé de faire à partir des années 90 et jusqu'à la fin de sa carrière, d'ailleurs).


ElliottSyndrome
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le 6 févr. 2023

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